Le sujet est délicat, du moins la réponse à la question dont dépend son auditoire et de la proximité avec lui : un généalogiste est un chercheur, un curieux, un fouineur, et parfois le généalogiste trouve des choses qui sortent de l'ordinaire, des tabous de familles, des choses non avouées, une honte ou une tare de famille. Tout généalogiste ayant un minimum de pratique et d'expérience trouve des choses dont il se pose toujours la même question : dois-je le dire ou non ? Chut sur tout ce qui n'est pas permis ni pas convenable...
La question semble simple et la réponse complexe à donner. En fait non, à qui s'adresse votre trouvaille ? À quand remonte l'événement ? entre le c'est tellement cocasse de montrer qu'un ancêtre a fait de la prison pour vol de poules au dix-huitième siècle, et, cousin Paul, la honte de la famille, a fait de la prison pour vol au dépanneur (*) du coin, pourtant les faits sont identiques : c'est du vol dans les deux cas ! Ça pourrait être pire, un ancêtre au dix-septième siècle a été banni de Québec pour inceste, et, oncle Paul est religieux et a eu des attouchements avec de jeunes pensionnaires. Vous voyez la différence ? Il n'y a en a pas dans les faits mais qui connait ou a connu personnellement le premier ? personne, c'est un événement historique connu et reconnu de tous, c'est dans la mémoire de la région ou de la province. Mais qui connait oncle Paul ? bien tout le monde de la famille car oncle Paul est vivant, c'est un proche direct, il a fait la une des journaux, la honte contemporaine familiale. Vous voyez le contexte ?
Maintenant que les faits sont exposés, comment répondre à la question Dois-je tout dire ? Moi je tiens le raisonnement suivant que je pourrai illustrer de cette façon :
- Si le fait est trop loin dans le temps dont aucun contemporain n'a connu la personne, il sera dévoilé quelque soit mon auditoire, c'est à dire la famille proche, la famille éloignée ou une personne n'ayant aucun rapport avec moi.
- Si le fait est récent, il ne sera pas dévoilé sous forme écrite mais la personne figurera en tant que tel dans un arbre ou un livre. Son nom et ses événements majeurs (naissance, baptême, mariage, décès et/ou inhumation) apparaitront, après tout c'est un être humain, mais c'est tout, son histoire ne sera pas mise par écrit de ma part.
J'ai personnellement eu plusieurs cas dont le plus connu du Québec est certainement celui d'Abraham Martin, il est ancêtre de ma fille et d'un très grand nombre de québécois de souche. Sa réputation a été faite pour un cas de conduite incorrecte sur une jeune fille. Il a beau être un ancêtre que l'événement s'est passé il y a trop longtemps pour qu'on ne soit trop touché. Je ne dis pas pour autant que le fait soit louable, on s'entend bien là-dessus... mais je le relate facilement ici comme bien d'autres l'ont fait et le referont encore.
Les autres cas sont moins drôles, je ne vous dévoilerai pas ce que j'ai trouvé par souci de confidentialité, et oui, tant pis pour les lecteurs de potins ! J'ai deux cas récents de contemporains qui m'ont fait posé la même question :
- Le premier pour une amie dont sa famille s'est éloignée du reste de la sienne suite à une chicane. Malheureusement cette séparation a fait que les cousins entre eux ne se connaissent pas. Mon amie voulait donc connaître un peu plus sur ses cousins. Je pars donc à la recherche jusqu'à ses grands-parents, points communs, et là arrive le fait inavouable, la grand-mère a une réputation dont je je sais pas si mon amie est au courant ! Je ne mentionne que les faits ordinaires de la grand-mère, elle n'apparait que dans l'arbre et c'est tout. Mais ma curiosité me pique quand je lui remets mes travaux, je lui demande indirectement si elle connait bien sa grand-mère ? elle devine rapidement mon questionnement et me lance que oui, elle sait tout de son passé et de sa réputation. Ouf heureusement car je n'avais pas de plan B, comment aurai-je dévié le sujet pour qu'elle n'ait pas plus de questionnement ?
- Le second pour une cousinade assez éloignée, c'est un cas délicat, quelques membres de la familles sont au courant, pas les autres, il ne faut pas le dire, alors je ne dirai rien, seule sa naissance apparaitra. Ce cas fera parti de l'histoire dans quatre cents ans et sera relaté par un autre généalogiste que moi ! Il est hors question d'en parler car je suis sûr que cela va soulever des questions et une rencontre désagréable. C'est dur la vie de généalogiste dans ce cas, car comme tous les généalogistes, on aime raconter...
Il y a des cas remontant à deux ou trois générations qui perdurent causant la séparation de branches, ceux-là aussi sont à considérer avec les proches. Ne mettez pas le feu au poudre en dévoilant un acte notarié de donation qui n'est pas à la faveur d'une branche surtout si votre but est de réconcilier ce beau monde avec votre généalogie. Chaque cas peut être particulier, mais dans le principe, tout ce qui est toujours vivant dans la mémoire des individus ne doit pas être ressorti.
Ma conclusion : ne mentionnez pas des cas contemporains délicats à des contemporains. Seuls eux peuvent vous permettent d'en parler mais pas de les mettre par écrit, c'est l'histoire qui le fera si elle ne les a pas oubliés. C'est le même principe éthique que de dévoiler des données personnelles à autrui.
Articles en relation :
Is There A “Right” To Do Genealogy? – Open Thread Thursday (**)
Doit-on parler du passé, première partie
Doit-on parler du passé, seconde partie
(*) Dépanneur : Nom masculin. Au Québec, un dépanneur est un petit magasin d'alimentation dans lequel on trouve tout pour dépanner pour les nécessités de la vie quotidienne.
(**) Si mon article est paru le même jour que celui de Thomas MacEntee, c'est purement le fruit du hasard.
Et vous, dites-vous tout ?
Commentaires
A+ Franck
Dans mes recherches, j'ai vu des descendants qui continuaient de se faire la guerre de nos jours, déclarées par leurs parents 6 générations au dessus pour une malheureuse histoire d'héritage. Quand je leur ai posé la questions du pourquoi, ils étaient incapables de me le dire. Ils continuaient bêtement une querelle de gros sous au fil du temps, alors qu'ils n'étaient même plus propriétaire du bien.
C'est moi qui leur ai annoncé la cause et depuis une cousinade quelques temps après à renoué les liens de famille.
Heureusement que le ridicule, ne tue plus.
J'ai un ami, qui n'a jamais pu obtenir quoique ce soit sur une de ses tantes décédée, dans sa famille, c'était tabou, verboten.
La genealogie aidant, on a découvert qu'elle avait mis fin à ces jours pour mélancolie (pour ne pas dire en fait, que c'était pour un amour déçu).
Dites-moi à quoi cela rime ces secrets si ce n'est à faire souffrir des gens inutilement par peur du quand dira-t'on.
La mort fait partie de la vie, que l'on le veuille où pas !
Et j'ai rencontré bien d'autres secrets avérés où pas en faisant ma généalogie.
Pour moi, c'est une recherche complémentaire qui me dévoilera la vrai vérité et non l'histoire enjolivée au fil des temps pour ne pas choquer.
Devoiler un secret, je suis pour, mais avec méthode et empathie pour celui qui recevra l'information et toujours avec son accord.
On ne jette pas de telle information à la figure d'une personne sans l'avoir préparée à la recevoir, sinon, il faut se taire à jamais.
A plus
Franck
J'en ai souffert, j'en souffre encore et aussi pendant le reste de ma vie durant et bien des personnes souffrent de même autour de vous, sans que vous le sachiez.
Les secrets de l'abandon, fils de paria, criminel où autres, peur du quand dira t'on, peur de la religion, fille ou fils de mauvaise vie, bagnard, batards des guerres ont provoqués plus de mal que l'on ne penses.
Je suis pour la vérité, elle fait mal sur le coup, mais elle a le mérite de cicatriser les plaies plus rapidement,c'est parfois dur à digérer, mais cela évite les interrogations sans réponses d'une vie. De savoir, cela peut aussi sauver la vie des gens.
Imaginer que vous êtes dans un de ces cas, votre enfant est malade et que vous ne savez rien de vos antécédents familiaux, pour ne pas dire de votre parenté réelle et qu'il s'y trouve une tare génétique.
Ne seriez-vous content de connaitre la vérité ? C'est un exemple certes, mais certains l'ont vécu ?
Cela mérite aussi réflexion !
Je crois que les familles ont déjà été assez stigmatisée par le comportement de certaines personnes, on a pas à faire connaître ces faits aux générations suivantes.
Rien n'empêche le généalogiste de noter le tout, dans un espace confidentiel, afin de pouvoir y faire référence en cas de besoin. Mais selon moi, on a pas à l'étaler sur la place public.
il est toutefois des secrets de famille qui, même avec le temps, auront bien du mal à être mis à l'air libre. J'ai ainsi découvert que des familles contemporaines sont amies mais qu'elles sont, sans le savoir, familialement très proches. L'irréparable qui constitue le secret a été commis il y a plus de 100 ans. Un généalogiste du futur trouvera-t-il cette information afin qu'elle soit rendue publique? La découverte basée sur les récits familiaux et confirmée maintenant ne pourrait voir le jour plus tard que grâce à la génétique... peut-être. Dois-je publier ce que quelques personnes contemporaines mais plutôt âgées (en nombre très limité) soupçonnent/soupçonnaient un tout petit peu? Il reste que ce secret toujours enfoui irait jusqu'à remettre en cause certaines successions de patrimoine. Et ça...
La révélation d'un autre secret familial très lié aux conséquences de la dernière guerre mondiale s'est pourtant plutôt bien passée. Mais cela mettait peu de monde en cause et ne faisait qu'agrandir le cercle familial en rendant une famille à une orpheline de père, ma cousine germaine.
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